La crise du coronavirus met à nu dans des conditions dramatiques l'affaiblissement de notre système public de soins, que les gouvernements successifs ont malmené avec acharnement, malgré les alertes incessantes des personnels soignants et des usagers et la mobilisation exceptionnelle
qui s'est développée depuis une année. La santé de la population, au lieu d'être considérée comme une priorité et un facteur éminent du développement humain, est réduite à une «charge» contenue dans des objectifs comptables malthusiens définis a priori sans rapport avec les besoins.
Dans notre région de Bourgogne Franche-Comté, faut-il rappeler que l'ARS, s'inscrivant pleinement dans les objectifs d'économies et de regroupement hospitaliers, a proposé un Plan Régional de Santé (PRS) refusé par la quasi-totalité des collectivités locales, depuis les communes et intercommunalités à la région, en passant par les départements ?
Et pourtant, dans le déni de toute démocratie sanitaire, malgré le constat d'échec sans appel dans lequel les décisions de regroupements hospitaliers, de fermetures de lits et de services, les pénuries élémentaires de matériels et les conditions inhumaines de travail ont placé le système hospitalier pour faire face dans de bonnes conditions à la pandémie, il est prévu qu'il continue à suivre tranquillement sa trajectoire destructrice. Si la crise sanitaire donne l'occasion à la direction de l'ARS de communiquer avantageusement sur son activité logistique face à l'urgence, cela ne saurait faire oublier la pénurie globale de matériels essentiels et de lits qui résultent de ses décisions, ni sa posture arrogante et technocratique face aux mobilisations.
Alors que les discours du président de la République sur la «santé gratuite» qui fait partie de ces « biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marchés», ses promesses à l'hôpital de Mulhouse au sujet d'«un plan massif d’investissement et de revalorisation de l’ensemble des carrières [...] construit pour notre hôpital » se veulent rassurants sur un changement de cap, les actes ne peuvent occulter la réalité accablante des orientations politiques sur la santé :
- L'absence d'un plan d'urgence à hauteur des besoins dans la Loi de Finance Rectificative (2 milliards non budgétés au lieu des 8 ou 10 nécessaires).
- Le maintien de l'ONDAM (Objectif National de Dépenses d'Assurance maladie), cette chape de plomb qui corsète les dépenses de santé, et limite à + 2,4%, quand il en faudrait 4,5% pour rester à budget réel constant .
Pire encore, il y a cette note de la CDC (Caisse des Dépôts et Consignations) rédigée à la demande d'Emmanuel Macron, révélée par Mediapart (en pj), qui trace les lignes directrices d'une évolution du système de santé qui loin de le sortir des «lois du marché», utilise la crise sanitaire pour en accélérer la privatisation rampante et la marchandisation. Fait par un organisme financier dont les critères sont depuis longtemps ceux des marchés financiers, et non du service public, qui, de plus est devenu un acteur majeur de l'hospitalisation privée lucrative, son fil directeur, sous la technicité des montages proposés, est d'effacer par une série de dispositifs la ligne de démarcation entre le secteur privé et le secteur public pour anéantir définitivement ce dernier. Parmi l'ensemble des mesures, les plus significatives sont les suivantes :
- la gestion des deux tiers de la dette publique des hôpitaux ( l'Etat n'en a repris qu'un tiers) restructurée - et pas annulée -, associée à la création d'un «fonds commun» de financement public/privé, privilégiant le secteur privé ( c'est dit dans la note...) et pilotant la destination des financements (c'est dit également).
- Le recours massif aux partenariats publics privés (PPP) en dépit de la succession des expériences négatives et des rapports accablants venant d'institutions nationales ( cour des comptes, rapport d'enquête sénatoriale) et européenne (cour des comptes européennes). Cette dernière, qui n'est certainement pas à la pointe du combat anti-libéral, constate néanmoins «le manque considérable d’efficience, qui s’est traduit par des retards de construction et par une forte augmentation des coûts », une opacité comptable qui compromet « la transparence et l’optimisation des ressources », une inadaptation de ces contrats de long terme à suivre « l’évolution rapide des technologies ».
- le basculement vers «la santé numérique», solution «miracle» permettant de faire coup double : décharger l'activité hospitalière, et valoriser les investissements des nombreuses «start up» et des compagnies d'assurances et des mutuelles qui ont engagé des financements dans ce secteur de la télé-consultation. Une manière de faire face à la saturation du 15 non pas en lui allouant les financements publics nécessaires mais en proposant des solutions privées pour en réduire l'accès.
- Dans le sillage de Donald Trump, une proposition de conversion de navires en navires-hôpitaux, dont les aspects techniques, médicaux et humains sont jugés hasardeux par nombre de professionnels, mais que l'on comprend mieux quand on sait que la CDC a des engagements importants dans des commandes de paquebots que les compagnies de croisières, mise à l'arrêt par la pandémie, risquent de ne pouvoir honorer.
- Enfin, le meilleur pour la fin, faire sponsoriser par les grands organismes de recherche (institut Pasteur, institut Curie, Unicancer, etc..) «un fonds de partage» auquel souscriraient investisseurs privés et institutionnels, avec reversement de revenus aux «sponsors» pour leur opération promotion. Avec la rapacité et le cynisme bien connus de la finance, quand elle flaire de bonnes affaires, il est dit sans ambages que «les conditions de lancement [...]seraient assez favorables compte tenu de l'impact sur les valorisations corporate de la crise actuelle » et que « ce type d'opérations pourrait […] être lancé très rapidement dans des conditions compétitives et avec le soutien de la place». En langage clair, la pandémie du covid-19 va favoriser l'attraction boursière des placements financiers vers les secteurs de la santé. La finance n'hésite jamais à battre monnaie sur le malheur humain».
Pour imposer d'autres choix que ceux de l'achèvement du système public de soins sur l'autel du capital, il est impératif de nous rassembler pour un combat politique de haut niveau, qui à partir de l'expression des besoins locaux , porte aussi des exigences sur l'ensemble du système de santé et de son financement.
Les organisations départementales et régionale du parti communiste en Bourgogne Franche-Comté ont interpellé le préfet de région et les préfets de département (lettre jointe)afin que des mesures d'urgence efficaces soient prises et que de commissions départementales et régionales associant tous les acteurs; soignants, usagers, élus, représentants syndicaux, associatifs, politiques soient mises en place. Plus que jamais les fondations d'une démocratie sanitaire doivent être posées.
Mais sans attendre la mise en place préfectorale de ces structures, il nous semble indispensable de constituer des collectifs de mobilisation, à l'échelle départementale et régionale, réalisant les convergences soignants/usagers/mouvement associatif/syndical/politique pour construire le rapport de force susceptible d'imposer d'autres choix à l'ARS et au gouvernement, dans des revendications qui ne peuvent plus s'en tenir à la seule expression des besoins, mais doivent impérativement porter des exigences sur les modes de financement, qu'il s'agit d'arracher au plus vite aux griffes des marchés financiers. Les structures du PCF (locales, départementales et régionales), les élu.e.s communistes et républicains sont totalement disposés et déterminés à y prendre toute leur part.
Souhaitant que nous ayons l'occasion d'en reparler très vite de vive voix dès que les conditions matérielles nous le permettront, nous vous adressons nos salutations fraternelles.
Pour le comité régional PCF de Bourgogne -Franche-Comté